12 août 2012, salle du conseil municipal de Beaucaire
Depuis quelques jours la fièvre monte, tous y pensent mais personne n’ose le dire, chacun s’arrange avec cette cruelle réalité : les stocks d’eau en bouteille sont épuisés, les navettes de camions depuis les zones non contaminées sont de plus en plus espacées, le réseau d’eau de la ville a été fermé hier par mesure de sécurité.
En campagne, les forages sont encore utilisés, à contre-coeur, pour nourrir les bêtes, la Compagnie Bas-Rhône Languedoc a cessé depuis deux semaines de puiser dans le Rhône, les cultures sur le plateau ne sont plus irriguées, les arbres fruitiers perdent leurs feuilles laissant apparaître les dernières pêches flétries.
L’ordre vient de la Préfecture et M. le Maire en donne lecture dans la salle du conseil bien trop petite pour accueillir la foule qui veut savoir :
Par arrêté n° 12082012, M. le Préfet du Gard ordonne à compter de demain matin 13 août 6 heures l’évacuation totale des communes de Villeneuve les Avignon, Aramon, Vallabrègues, Comps, Beaucaire, Fourques, Saint-Gilles, Nîmes.
Les populations concernées doivent envisager un éloignement pour une durée d’un mois au minimum, toutes informations utiles leur seront communiquées à leur adresse d’hébergement, adresse qu’ils doivent signaler au plus tôt au n° vert suivant : 00… MM. les Maires des communes concernées, les forces de police et de gendarmerie sont chargées de veiller à la bonne exécution du présent arrêté.
La stupeur cède rapidement la place à la colère, on n’est pas au Japon, les noms d’oiseaux fusent :
– Fumiers, salauds…
– Où je vais moi avec ma famille ?
– Partir ? Pour aller où ?
– Et mes chevaux ?
M. le Maire appelle au calme, en vain, le désespoir anéantit certains, rend fou les autres, les chaises volent, bousculade, échauffourées…, comment en est-on arrivé là ?
Deux années de sécheresse cumulées ont abaissé profondément le niveau des nappes phréatiques, l’absence de neige en hiver n’a pas permis de remplir les barrages, le peu d’eau lâchée dans les affluents du Rhône n’a pas suffi à stopper la prolifération des algues, celles-ci ont obstrué les pompes de refroidissement des réacteurs des centrales nucléaires de Cruas et de Tricastin, du combustible radioactif s’est échauffé en restant à l’air libre, il a fallu larguer dans le fleuve les dizaines de milliers de m3 d’eau, radioactive, utilisée pour refroidir les barres d’uranium. Le lit du Rhône est désormais radioactif, son eau ne peut plus être employée pour l’irrigation, la consommation humaine et animale, la toilette. Le sud de la vallée du Rhône, la Camargue sont désormais contaminés et ne pourront plus être habités par l’homme pendant des décennies.
Silence ! fission.