C’est un berger qui faisait paître ses moutons près du fleuve qui les a vus le premier.
Ils longeaient le fleuve, l’air épuisés et pitoyables.
Un homme et une femme. Arrivés par bateau ? Ont-ils débarqué du côté des Saintes et suivi le petit bras du fleuve ? D’où viennent-ils ? De très loin, assurément. De l’autre côté de la mer, c’est sûr, car ils ont la peau hâlée des gens de là-bas.
Ils parlent une langue étrange mais, avec du temps et de l’attention, on arrive à saisir qu’ils ont fui une contrée gouvernée par un roi terrible nommé HèRèNode. Ce roi utilise des quasi-voyous, appelés des « dentitaires » car ils montrent les crocs quand on veut se plaindre ou seulement parler.
Aux abords de notre ville, un paysan, comprenant l’état d’épuisement et de détresse de la jeune femme, lui a suggéré d’aller demander un abri convenable pour mettre bas son petit, pensant naïvement qu’elle serait bien reçue.
Mauvais conseil car, dans notre ville, il leur est fait un très méchant accueil. Comme s’ils allaient prendre la nourriture et la place des habitants. Les plus hargneux de ces gens se sont même vantés de pourchasser ces maudits voyageurs jusqu’au-delà des limites du pays.
Alors, le même berger les a vus longer à nouveau le fleuve vers le sud. La femme avait le cœur aussi gros que le ventre et les yeux remplis de larmes…
Et puis le silence… Le silence de la mer, la mer qui servira de maternité au bébé de cette pauvre jeune femme. Nouveau-né, nouveau-noyé.
La mer encore qui servira de tombeau à toutes les espérances humaines.