Le Jeudi 8 Janvier 2015 au soir, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo et alors que le jour même de nouvelles victimes s’ajoutaient au décompte macabre (policiers, Hyper Cacher,….), voici le texte lu devant de nombreux beaucairois, Place Jean Jaurès.
« Merci d’être là aujourd’hui, pour les 12 et pour toutes les autres victimes.
Ainsi donc, hier, et aujourd’hui encore, l’innommable a eu lieu et nous ne nommerons pas ceux qui ont choisi de s’exclure de la communauté Humaine.
Nous nous retrouvons tous orphelins, orphelins et mutilés, dans nos corps, nos cœurs et nos esprits. Ils ont cru, en tuant 12 hommes et femme, tuer un journal, fusiller la République, assassiner la Démocratie. Ils s’en sont pris à ce qu’ils redoutent le plus : la pensée, l’intelligence, l’impertinence, l’esprit critique, la joie de rire même des choses graves. La vérité est qu’ils ont peur, la peur est dans leur camp : la violence est l’arme des lâches, des poltrons et des faibles. Ce n’est pas à nous d’être dans la crainte.
Au contraire, protégeons, cultivons, développons ce qu’ils craignent le plus : la liberté de penser, la liberté de parler, la liberté d’écrire, la liberté de critiquer ou de caricaturer, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté d’aimer, la liberté tout simplement de vivre ensemble malgré ou plutôt grâce à nos différences. Ce sont nos armes et tant que nous les utiliserons, Charlie Hebdo vivra et la Démocratie et tout ce qui fait notre Humanité.
Ainsi ne nous abaissons pas à leurs méthodes : répondre à la Barbarie par la Barbarie leur serait une nouvelle victoire, nous abaisserait à l’inhumanité, à la bestialité qui est la leur. Ils souhaiteraient que nous en arrivions à des amalgames simplistes pour nous entraîner dans la spirale mortifère de la Haine, des divisions et des discordes civiles. Refusons d’entendre les voix qui tôt ou tard voudront nous entraîner sur ces chemins : ce sont en définitive les meilleurs alliés de ceux qu’ils prétendent combattre et ils se nourrissent l’un l’autre.
Car défendre les libertés fondamentales doit nous devenir un réflexe, une seconde nature : chaque année, des dizaines de journalistes sont, à travers le monde, assassinés, torturés, emprisonnés ; mais c’est sur le pas de notre porte que peut commencer l’inacceptable quand, comme à Beaucaire, un journal et ses collaborateurs sont pris à partie parce qu’ils se refusent d’être les simples porte-paroles d’un élu local. Même s’il n’y a aucune commune mesure avec l’horreur d’hier.
De même, si l’intelligence, la culture, l’esprit critique sont les meilleurs remparts contre l’intolérable, alors veillons à ce que l’École de la République fournisse ces outils-là à tous les enfants de la République, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. C’est ce principe fondamental, ce Droit universel de tout enfant à l’Éducation et à l’École qu’il nous revient aussi de défendre et de vivifier, partout, et plus particulièrement ici, à Beaucaire, où cette liberté essentielle a été remise en cause, en septembre, quand il fut question de trier les élèves en fonction de leur langue maternelle.
Du crime d’hier, nous devons ressortir plus forts : nous allons continuer à penser, à parler, à lire, à écrire, à croire ou à ne pas croire, à aimer, à rire ou à chanter, parce que nous sommes l’Humanité, parce que cela leur fait peur, parce que nous n’avons pas peur d’eux.
C’est notre force ! C’est leur faiblesse ! CHARLIE HEBDO vit et vivra ! Ils ne passeront pas ! »