Quelle idée de vouloir se rassembler par un beau dimanche de mai, en pleines vacances scolaires !
Certains commentateurs parlent d’une tradition vieillotte appelée à disparaître, d’autres, plus généreux, évoquent la Fête du Travail : le 1er mai serait donc un jour férié comme les autres, avec un petit air de St Valentin, de fête des grands-mères ou des secrétaires !
Le 1er mai, comme le 8 mars – journée internationale pour les Droits des Femmes, ne mérite pas cette banalisation…
Car le travail et les salariés, sont-ils vraiment à la Fête ?
Etaient-ils à la Fête celles et ceux qui, à Beaucaire, ces dernières semaines, ont été contraints de se mettre en grève pour de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires, que ce soit à STRADAL, dans le bâtiment, à AXIMA, dans les travaux publics, dans les transports DECOUX ou encore dans la grande distribution comme à CARREFOUR où le personnel féminin en particulier est soumis au temps partiel imposé et à des horaires de travail éclatés ??
Doit-on oublier que le 1er mai a connu un baptême de sang en 1886, à Chicago, quand la police abattit 6 ouvriers qui manifestaient pour la journée de 8 heures ?
Peut-on oublier qu’en France même, à Fourmies dans le Nord, en 1891, pour les mêmes revendications (journée de 8 heures, semaine de 48 heures) 10 travailleurs trouvèrent la mort face aux forces de Police aux ordres du grand patronat du Textile et des Mines ?
Ou encore ce 1er mai 1929 à Berlin où, en pleine ascension du nazisme, 33 manifestants furent abattus ?
Aujourd’hui même, dans certains pays du Sud de la Méditerranée, des hommes et des femmes vont risquer leur vie pour ces droits élémentaires que sont la liberté d’expression et de rassemblement, la possibilité de s’organiser dans des Syndicats ! Et c’est dans la patrie des Droits de l’Homme que certains essaient de diviser les travailleurs en pointant du doigt ces pays et ces peuples en quête de liberté !
On essaie de nous faire peur avec les droits et libertés conquis ailleurs, quand tout devrait nous porter à nous en réjouir !
Aujourd’hui, nous entendons dans certaines bouches résonner des accents vieux de 70 ans, quand le Maréchal Philippe Pétain proclamait le 1er mai comme « Fête du Travail et de la Concorde Sociale et Nationale », comme si rien ne séparait les salariés de ceux qui tirent profit de leur travail, comme si les intérêts de madame Bettencourt étaient les mêmes que ceux de la caissière de Carrefour !!Comme si les intérêts et les préoccupations des 40 patrons des 40 entreprises qui dominent la Bourse de Paris étaient identiques à ceux de leurs salariés, 40 patrons dont on vient d’apprendre que leurs salaires de base s’élevaient à 90 millions d’euros annuels, sans parler de leurs stock-options, parachutes dorés et primes diverses.
505% même d’augmentation pour le patron de Michelin, une augmentation à 3 chiffres quand les salariés, dans les meilleurs des cas, doivent se contenter d’un seul chiffre, et encore-après la virgule, derrière le zéro !
Comment ne pas être écœurés par l’évocation de cette prime présidentielle qui ne concernerait que les entreprises privées de + de 50 salariés, dont le montant est laissé à l’appréciation forcément généreuse, n’en doutons pas, des patrons et des actionnaires dont on connaît le grand cœur ! Et encore, elle ne serait versée que si l’entreprise réalise des bénéfices supérieurs à ceux de l’année précédente : ainsi, il suffit à TOTAL qui a réalisé 13 milliards d’Euros de profits de ne faire que 12 milliards l’an prochain pour être exonéré !
Les traders, financiers, spéculateurs ont rénoué avec leur train de vie doré, mais c’est aux premières victimes de la crise, travailleurs en activité ou privés d’emploi, qu’ils présentent l’addition : retraites démantelées, Sécurité Sociale défigurée, licenciements boursiers, souffrance au travail, gestion par le stress avec les résultats que l’on connaît : les 60 suicides de France Télécom et tant d’autres que l’on ne connaît pas, comme ce cadre qui, il y a tout juste un an, s’est donné la mort, dans son bureau, dans son entreprise, ici à Beaucaire !
Nous payons leur crise : les fonctionnaires ne sont pas épargnés, dont un départ à la retraite sur 2 seulement est remplacé, avec pour résultat un affaiblissement, une dégradation des services rendus au Public, que ce soit à la Poste ou à l’Hôpital.
Même les enfants ne sont pas épargnés, puisque malgré des effectifs scolaires plus nombreux, 16.000 enseignants vont disparaître à la rentrée, une saignée de 50.000 postes en 3 ans.
Ne parlons même pas des salaires : +0,5% en 2010, rien en 2011, rien en 2012 !
Ces agressions, sans précédent, contre le monde du Travail, pilotées par la Banque Centrale Européenne, les Bourse, le Fonds Monétaire International et les gouvernements d’inspiration peu ou prou libérale, ces agressions rencontrent une opposition de plus en plus forte des peuples et des travailleurs en Irlande, en Grèce, au Portugal, en Islande…il y a quelques semaines, ils étaient 200.000 dans les cortèges à Londres non pour acclamer un mariage d’opérette mais pour clamer leur soif de justice, pour que les vrais responsables paient.
Ici aussi, n’attendons pas après les promesses, électorales ou non, gagnons ou regagnons tout de suite ce qui peut l’être… Et sans nous tromper de colère ni de cible !
Car les vrais responsables, ceux qui nous ont mis en difficulté nous désignent comme coupables ceux qui sont plus pauvres, plus exploités, plus malheureux que nous.
Méditons les leçons de l’Histoire : ceux qui le 1er mai 1941 voulaient faire de cette date une journée de réconciliation entre exploiteurs et exploités célébraient également la Fête de leur chef : la Saint Philippe. Leurs héritiers d’aujourd’hui préfèrent eux aussi la célébration la Ste Jeanne d’Arc à la Défense des droits et revendications des travailleurs ; ils veulent égarer notre juste colère sur des voies sans issue de division, en exonérant, en dissimulant soigneusement les vrais coupables, qui eux sont bien propres sur eux, souvent bien blancs, souvent bien français, bien costumés, et parlent si bien à la télévision pour nous expliquer que nous devons consentir à encore plus de sacrifices !
Personne ne se battra à notre place, faisons dès maintenant en sorte, dans nos entreprises publiques ou privées que nous puissions fêter des avancées nouvelles le 1er mai 2012 ! Sans nous tromper de colère, sans confondre victimes et coupables !