Beaucaire est un laboratoire expérimental de physique appliquée, grandeur nature : le volume d’un corps a tendance à se dilater lorsqu’il est chauffé.
Notre bonne ville en est un exemple parfait qui voit, à chaque degré centigrade gagné aux thermomètres des façades, se dilater les terrasses des bars et autres gargotes; tables, chaises et parasols doublent ou triplent allègrement leur emprise au sol, quand ce ne sont pas des tunnels plastifiés aux qualités esthétiques discutables ; toute cette armée de pieds métalliques, bardée de faux marbre, s’étale, se glisse, rampe, se met à dégouliner, entre les arbres, sur les quais, les trottoirs, les berges, grignote même les chaussées et offre aux piétons les plus valides de faire preuve de leurs dons athlétiques, pour slalomer, sauter en hauteur ou en longueur, s’essayer au franchissement des haies, quand ce n’est pas dérouler une splendide faena au nez et au museau des bus et autos médusés.
C’est que par temps de grand’soif chaque centimètre carré vaut de l’or et son pesant de boisson anisée. Malheur donc aux piétons, surtout s’ils ont la mauvaise idée d’être handicapés : fauteuils roulants et béquilles s’abstenir ! Quant aux malvoyants, ils sont priés de s’équiper d’appareils à ultra-sons sophistiqués pour éviter les empilements d’obstacles en tous genres qui leur sont proposés. Ne parlons même pas des nourrissons qui auraient la fâcheuse idée de se lancer dans une traversée de boulevards à bord d’une poussette !
Store d’un commerce local bien en vogue, et autres détritus dans la nature.
Les espaces publics retrécissent, les décharges sauvages se multiplient.
Espaces publics privatisés
Nos espaces publics sont privatisés, parfois au mépris de notre sécurité, au nom du gain ! Foin des règlements et des concessions, vive la joyeuse loi de la jungle ! Il semblerait même qu’on ait fait déguerpir d’une place un manège pour enfants qui commettait le sacrilège d’amputer un de ces établissements d’une vue imprenable sur le canal.
Sur la Côte d’Azur et en d’autres lieux du littoral, les citoyens ont reconquis «le chemin des douaniers», ce petit sentier qui longe la mer, propriété inaliénable de l’Etat et donc des promeneurs, et que certains propriétaires fortunés s’étaient ingénié à privatiser, à l’abri de leurs clôtures. Piétons de Beaucaire, flâneurs de tout poil, frères et soeurs en tranquilles déambulations, reconquérons nos trottoirs et, peut-être, sous les pavés… la plage ?